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Critiques

Greg Szlapczynski

Greg Szlapczynski - Gregtime

Benoît m'a demandé de faire une critique du nouveau CD live de Greg Szlapczynski "GregTime". J'ai eu la chance de recevoir la visite d'Howard Levy pendant que je préparais mes commentaires, j'ai donc pu bénéficier la vision d'Howard en plus de la mienne propre.

Greg est très clairement de cette nouvelle génération de joueurs de diatonique qui étendent les possibilités de l'instrument. Le principal commentaire d'Howard en écoutant le disque de Greg a été "Ce gars là a vraiment des bonnes idées". Quant à moi ce qui m'a plus c'est l'étendue de son approche musicale en termes de répertoire : du funk à la pop puis droit vers le blues... Tout y est !

Etant moi-même producteur de disques j'ai pu apprécier la qualité de l'enregistrement. La batterie sonne d'enfer. L'harmonica bénéficie d'un niveau exactement approprié. Les autres instruments sont intégrés juste comme il faut au mix. On pourrait regretter le retrait relatif des cuivres lorsqu'ils sont là, mais c'est une critique mineure. Du bon boulot !

J'ai entrepris d'analyser le disque morceau par morceau :

1) Pour Le Meilleur - (Greg Szlapczynski)
Je ne comprends pas le sens du titre mais le morceau parle de lui-même. C'est un instrumental qui captive son auditoire dès la première note. On pourrait dire que c'est un style "Funk Fusion". J'adore ce genre d'utilisation de l'harmo et Greg assure. Son son légèrement sale rappelle Lee Oskar ou Milteau. L'influence de ce dernier au niveau du son est très clairement perceptible. Carlos del Junco m'a fait découvrir 'Explorer' de Milteau en 1991, et on comprend aisément que ce son chaud ait influencé toute une génération de joueurs Européens.
J'adore la manière dont sonne la batterie, et les lignes d'harmo jouées avec la section cuivre. Greg tape son solo en seconde position, avec une sorte de delay (iI a du écouter le répertoire de Lee Oskar) puis termine avec un son bien plus sale et pêchu qui relance la machine.
Le guitariste (Jeremie Tepper) reprend en cours de morceau et amène une touche rock-fusion à laquelle le public est clairement sensible. Final avec tout le monde. Super morceau. J'apprécie spécialement le fait qu'il ne s'agisse pas d'une excuse pour mettre l'harmo en avant mais d'un morceau bien écrit et très fin.

2) Do What You Do-(Greg Szlap)
Alors que les applaudissements crépitent encore, changement d'humeur radical avec des lignes de Tongue Bliocking jouées par Greg à la Sonny-Boy. Son acoustique, super vibrato.
Ce que j'aime ici c'est que Greg prenne un shuffle de blues 'basique' et y intègre des éléments de pop : des lignes mélodiques étendues, un pont distinct et bien écrit. Sa voix est solide, et il a du coffre.
Je suis toujours surpris d'entendre la manière dont des artistes non-américains s'approprient le 'feeling' du blues. Greg ici me fait penser à un type que j'avais rencontré il y a quelques années au festival de blues d'Augusta. C'était un Australien qui jouait de la slide, et il avait vraiment intégré le style delta blues, la guitare, la voix, l'attitude, tout. Un jour je lui ai demandé comment il avait pu être fasciné par ce style folklo obscur du sud profond des Etats-Unis. "Faut qu'tu comprennes, mec... Je viens du sud profond de l'Australie !"
Greg doit venir du sud profond de la Pologne !

3) Niech Poplyna Lzy-(Greg Szlap)
Autre changement d'atmosphère, cette fois en mineur. La chanson est en polonais, donc je ne peux pas vous dire de quoi ça parle. Musicalement, il montre de nouveau un bon feeling sur la manière de construire un thème. J’aime ici la manière dont les cuivres travaillent avec lui. Il y a beaucoup plus d’espace sur ce morceau, donc les cuivres s’insèrent mieux au reste du groupe. J’aurais aimé que Greg joue autre chose que de la seconde positions mineure, mais ça n’empêche qu’il sait ce qu’il fait et joue mélodique, puissamment et joliment.

4) B.A.R.J.O.-(Greg Szlap)
Ce morceau commence avec un feel assez reggae guitare / cymbales. Ensuite Greg amène une mélodie absolument géniale. Howard me dit que la ligne jouée est basée sur la gamme tonale. La mélodie se résout sur une section rock plus classique un demi-ton plus haut. Puis il retombe sur la partie reggae - jazz. Greg joue dans un style acoustique et ça sonne très cool. Il utilise évidemment altérations et overblows. La pianiste (Marine Bercot) prend un long solo sur ce morceau ou elle se laisse aller sur tous les territoires musicaux associés à ce genre de morceaux. Le guitariste reste très en retrait sur le morceau, contrastant avec les précédents. Et bien sûr, pas de feeling reggae sans une batterie (Marc Grelier) et une basse (Sophie Bourdon) de goût ! Juste ce qu’il faut !

5) Hookie Boogie-(J.J. Milteau)
Greg secoue le public avec un instrumental blues aux influences cajun écrit par Mr. Milteau, qui se termine en shuffle jazz-cool. J’imagine qu’ils ont du casser la baraque puisque Milteau rejoint Greg sur scène. Difficile de dire lequel des deux prend quel solo, mais le morceau est très solide et tous les deux sont inspirés. Je suppose que c’est Greg qui prend la partie aigue vu qu’il a ce même genre de son à d’autres moments du disque.

6) Who Do You Love (E. McDaniels)
Milteau reste sur scène pour ce grand classique. La voix de Greg est une fois de plus assurée et authentique. Au hasard je dirais que Milteau attaque au Low-F, suivi de Greg au F aigu. Un morceau bien pêchu que le public semble apprécier, de même que les musicos. C’est clairement le bit, non ?

7) Lois-(Greg Szlap)
Retour au pays de Greg. Ce morceau sonne comme s’il avait été composé en 58, période Kind of Blue. J’aime vraiment la manière dont Greg construit ses mélodies et les interprète, encore une fois assuré sur les altérations et overblows. J’ai toujours pensé que l’harmonica avait une affinité avec les morceaux où on le fait un peu sonner comme une trompette. C’est ce que fait Greg ici, avec un fort soutien du reste du groupe et des solos sympas aux claviers et à la guitare.

8) The Blues Will Never Leave You-(Greg Szlap)
Jeremie Tepper passe pour ce morceau de la guitare éléctrique à l’acoustique et Greg joue avec beaucoup de goût une intro blues. Leurs voix se complémentent bien ce qui tend à me faire penser qu’ils n’en sont pas à leur premier duo… Ce morceau aussi est bien écrit, avec des petites extensions mélodiques bien pensées, que Greg complète en jouant les notes qu’il faut pour enrichir les accords. Très sympa.

9) Fifi a Donf-(O. Ker Ourio)
Greg est rejoint par le joueur de chromatique Oliver Ker Ourio sur une des compositions de cet homme du chro. C’est un instrumental mineur swinguant qui permet au Chromatique d’exprimer tout ce qui fait que c’est un super instrument. J’adore en particulier les turnaround et les lignes jouées en harmonie au chromatique et au diatonique. Greg enchaine sur son solo, très mélodique et bien maîtrisé en troisième position.

10) Can’t Live Without-(Greg Szlap)
Le guitarist repasse à l’acoustique et enchaîne sur un morceau qui a le son des classiques de Van Morrisson. Il ne manque que les chœurs féminins ! Greg attaque son solo en Low D puis repasse sur un D normal. Très très cool.

11) Jolie Cosette-(Greg Szlap)
Classique moceau cajun joué en première position ; beaucoup d’ornementations qui font que ça sonne bien zydeco comme il faut. Mon seul regret c’est le son distordu du guitariste qui ne me paraît pas coller avec l’esprit du morceau, mais bon…

12) Run Me Down-(Traditional)
Greg ressort son son amplifié pour celui-ci. Les cuivres y donnent ce qu’ils ont de mieux et la question réponse entre chant et chœur marche super bien. Le phrasé de Greg sonne assuré malgré ses excursions dans tes territoires extra-chicagoans !

13) Tie Break Blues-(J.M. Ecay)
Le set se termine avec un morceau écrit par le guitariste Jean-Marie Ecay. Il met de nouveau en valeur la capacité de Greg a jouer des mélodies nettes et précises.

Greg Szlapczynski est une voix importante dans les sons qui émergent aujourd’hui du monde diatonique. Il a fait ses devoirs, il a incorporé l’héritage des maîtres du blues avec assurance et respect. Mais il a aussi écouté Milteau, Levy, Carlos del Junco, Lee Oskar, Weather Report, Van Morisson, Miles Davis et les autres. Ce que je préfère dans son jeu c’est justement ce large panier d’influences et de styles dans lequel il puise, avec la technique requise pour que ça sonne. N’importe quel harmoniciste devrait écouter ce qu’il fait. Mais dans l’absolu, harmonica ou non, c’est de la super musique !

Paul Messinger


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