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Coup de Gueule

 

La Malédiction de Gus

J’aime bien les harmonicistes. Forcément ! J’en suis un moi-même. Bien sûr, il y en a qui sont un peu bizarres, comme tous les passionnés… Mais après tout, je passe sans doute pour un mec un peu bizarre autour de moi aussi !

Mais il y a une catégorie d’harmoniciste, qui m’énerve au plus haut point. Il est difficile de les repérer à première vue, et parfois même en discutant avec eux, on les trouve normaux et sympathiques. Ce ne sont pas ces brutes de technique qui font d’époustouflantes démonstrations qui n’ont rien à voir avec de la musique et peuvent être très agaçants à se croire maîtres du monde, mais qui finalement ne font de mal à personne… Ce ne sont pas non plus ces puristes qui crachent sur tous ceux qui sortent du carcan Little Big Walter Williamson 2. Certes, ceux là peuvent crisper par moment tellement ils sont recroquevillés sur eux mêmes et intégristes dans leurs propos. Mais bon, ils font plus de la peine qu’autre chose à vivre dans le passé… Non, ces gens là, finalement, on les retrouve partout dans la musique, rien de spécifique à l’harmonica…

Ceux dont je parle, eux, sont spécifiquement et uniquement des harmonicistes. Sous des dehors civils, ils combinent une mal politesse crasse et une lâcheté prononcée : ce sont ces terroristes qui, du public, se mettent à jouer en plein milieu d’un concert. Je suis sûr que vous en avez rencontré si vous fréquentez les clubs, les salles de concert ou les festivals. Les américains appellent ça des Gus, je vais en faire autant.

J’étais à un concert d’un excellent guitariste acoustique américain il y a quelques semaines, et voilà qu’en plein milieu d’un morceau, ce Gus à quelques mètres de moi sort une trousse d’harmos, passe quelques minutes à pouet pouéter pour trouver le bon harmo, et tout à coup se lance dans un chorus au beau milieu de la salle. Il ne jouait pas mal, le problème n’est pas là. Mais c’est tout de même un manque de respect incroyable pour l’artiste qui est sur scène : s’il avait voulu un harmoniciste, ce dernier pouvait l’embaucher… Et il suffisait d’aller le voir à l’entracte en lui demandant de boeufer, je suis sûr qu’il aurait accepté… Mais non, Gus n’a pas les couilles (pardonnez l’expression) d’aller lui demander. Alors il s’impose.

Ce n’est pas la première fois que j’assiste à ce genre de scènes. Ca m’est même arrivé lorsque je jouais. Et évidemment, seuls des harmonicistes ont cette pratique répugnante. D’aucuns diront que c’est parce qu’il est difficile de trimbaler son piano ou son accordéon au milieu d’un salle de concert. Certes, mais en tous cas ça donne une image détestable à un instrument qui souffre déjà d’un déficit d’image…

Mettez vous à la place du type qui est sur scène : il fait son truc, il est dans son trip et tout à coup, sans prévenir arrive un mec qui impose autre chose, qui fout les pieds dans le plat, sans demander d’avis. C’est quand même lamentable, non ? C’est comme si quelqu’un venait mettre du curry dans ma blanquette de veau sans me demander mon avis. Ca a peut-être bon goût (si le curry est bon), mais c’est quand même pas des manières…

Alors la prochaine fois que vous prend l’envie de jouer avec le mec sur scène, vous attendez l’entracte et vous allez lui demander poliment s’il veut bien que vous jouiez un morceau avec lui. Vous verrez qu’en plus, la plupart du temps, il acceptera avec joie : les musiciens sont rarement des sauvages !