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Coup de Gueule

 

Purismes...

S'il y a une chose que j'ai du mal à comprendre dans le monde de la musique (ou plutôt " des musiques ") , c'est le purisme. Souvent, il a derrière lui les meilleures intentions du monde : préservation d'une tradition, authenticité, etc. Mais au bout du compte, sa conséquence essentielle n'est-elle pas de tuer la musique ?

Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je suis tout pour le respect des traditions et des origines musicales... Ce que je conteste, c'est qu'un style musical soit cela à l'exclusion de toute évolution.

Le plus étonnant dans le cas de l'harmonica, c'est qu'au-delà de cet " effet puriste " au sein d'un style musical (le blues, la musique traditionnelle irlandaise, etc.) le purisme s'étend à l'instrument tout entier : combien de fois avons nous entendu que le Diatonique était l'instrument du blues, que seul le Chromatique était adapté au jazz ou au classique, que le Chromatique avait une sonorité mièvre, que jouer vite c'était jouer sans âme, etc.

Heureusement, du temps des pionniers de l'harmonica, on ne s'encombrait pas, ou en tous cas moins d'a priori de ce type... Sinon, nous n'aurions pas eu le swing amplifié d'un Little Walter, nous n'aurions pas connu le blues chromatique puissant d'un George Harmonica Smith, nos oreilles n'auraient jamais été bercées par les thèmes arabisants d'Howard Levy avec Rabih abou-Khalil, le son rauque du chro de Bill Barrett serait resté au placard, et la musique malgache n'aurait pas connu la grâce des phrases de Vincent Bucher...

Car quelle est finalement la conséquence du purisme instrumental : c'est de fermer des portes. De marteler dans les esprits des débutants tellement fort que l'instrument doit se pratiquer " comme ça " qu'ils n'osent plus explorer, qu'ils perdent l'enthousiasme de la découverte et de l'expérimentation. Au final, que se passe-t'il ? L'instrument meurt de n'avoir pas été irrigué de sang nouveau.

Le plus étonnant, dans le contexte harmonical, c'est que les mêmes personnes qui étouffent cette créativité sont ceux qui souvent se lamentent du statut d' " instrument de seconde classe " de l'harmonica. La contradiction est patente : si l'on cantonne l'harmonica dans un ghetto (par exemple le blues, pour le diatonique) la perception de l'instrument ne risque pas d'évoluer, bien au contraire...

Planet Harmonica reçoit souvent des disques d'harmonicistes, certains d'artistes connus, et d'autres moins. Vous ne pouvez pas savoir le manque d'imagination qu'il y a dans ces productions discographiques... Bien souvent, individuellement, elles sont de bonne tenue, mais qu'y a t'il de neuf, de frais là-dedans ? Pas grand chose.

Alors, qu'un jeune artiste qui débute se sente contraint d'imiter pour faire son trou, je peux encore le comprendre, mais le plus souvent, ce sont les artistes établis, les routards du circuit qui sont aussi secs qu'un puits dans le Sahara. Ceux que d'aucuns appelleraient les " meilleurs " harmonicistes sont en fait des imitateurs, des suiveurs, pas des artistes au sens noble du terme.

Car au bout du compte, la question n'est-elle pas tout simplement d'avoir quelque chose à dire ? De ceux qui n'ont rien à dire, les plus intéressants sont encore ceux qui se taisent...