Overblows et Overdraws faciles

Même si les overnotes se sont considérablement démocratisées au cours des trente dernières années, elles semblent encore susciter quelques appréhensions pour bon nombre d’harmonicistes soucieux d’utiliser au mieux le potentiel de leur instrument de prédilection. Une pléthore d’informations circulent sur le net et dans quelques ouvrages pédagogiques osant enfin se pencher sur la question. Certaines d’entre elles ne manquent malheureusement pas de piquant quant au détail de l’obtention de ces notes. Il n’est pas rare de se retrouver complètement bloqué et frustré en suivant des recommandations aussi généreuses que farfelues. La grande majorité des joueurs se réfugient alors derrière la phase de réglage sans lequel nulle overnote ne saurait décemment sortir… pourtant, une bonne technique garantit l’obtention d’une overnote sur n’importe quel harmonica, y compris sur un improbable modèle bas de gamme. Et étant donné qu’il y a également des informations étonnantes concernant le réglage, il s’ensuit fort logiquement que ces notes supplémentaires semblent pour le moins difficiles à obtenir.

ALTERATIONS ET OVERNOTES :

 


Il nous semble fondamental de rappeler ici un fait qui devrait permettre de mieux cerner les enjeux techniques : une altération EST déjà une overnote !

Détaillons :

  1. Il semble cohérent de penser que c’est l’anche aspirée qui vibre lorsque le joueur aspire et tente d’altérer la note naturelle, de même pour une anche soufflée si l’harmoniciste souhaite obtenir une altération soufflée. Il n’en est rien…
  2. Même si le phénomène est un peu plus complexe partons du principe raisonnable que seule l’inflexion (tout ce qu’il y a en deça d’un demi-ton) s’obtient avec la même anche aspirée ou soufflée (selon le sens de la respiration) que la note naturelle. Notons que sur certains modèles très étanches il est possible d’obtenir un demi-ton complet de cette façon, c’est-à-dire en diminuant le nombre de vibrations de l’anche aspirée ou souflée sans que l’anche opposée ne se déclenche ; le timbre de cette note ainsi obtenue correspondra donc à celui des altérations valvées.
  3. Dès que l’altération est juste, l’anche opposée vibre et prend le relais tandis que selon le degré d’altération, l’anche supposée être en jeu vibre de moins en moins. Notons les deux exceptions (nos deux altérations « valvées » sans valve :-)) en 3 aspiré altéré 1x et en 10 soufflé altéré 1x où le son s’obtient avec l’anche respectivement aspirée et soufflée. Dans ces deux cas, l’anche opposée ne crée pas le son et ce seront les deux altérations qui seront les plus éloignées en terme de timbre des autres altérations. La technique pourra rééquilibrer le tout pour garantir un minimum d’homogénéité.
  4. Il est donc tout à fait possible d’obtenir par exemple un 4 altéré en bloquant complètement l’anche aspirée (en posant son doigt sur l’anche ou en la remplaçant par un morceau de scotch ou plus simplement en déréglant son angle d’inclinaison afin que l’air ne puisse plus passer).

En résumé l’altération conventionnelle (hormis le cas du 3 alt 1x et du 10 alt 1x précité) est déjà une overnote à ceci près que lors d’un overblow ou overdraw, l’une des deux anches ne vibre carrément plus du tout (ce qui n’est que “presque” déjà le cas lors d’une altération).

CONSEQUENCES :

  • Une overnote peut s’effectuer exactement comme une altération “conventionnelle” opposée.
  • Une seule position de langue permet d’obtenir l’une ou l’autre selon le sens de la respiration. Par exemple un overblow en 6 et un 6 altéré aspiré sont deux notes qui ne demandent qu’un seul placement de langue.
  • C’est aussi la raison pour laquelle une overnote correctement obtenue n’a aucune raison d’avoir un timbre différent de celui d’une altération standard puisque c’est le même principe physique.
  • Si vous utilisez autre chose que la langue pour altérer (mâchoire, orientation de l’harmonica, gorge…) il y a fort à parier qu’il vous faudra trouver une autre technique d’obtention pour les overnotes que celle que vous utilisez pour altérer, à moins de se satisfaire de timbres différents voire agressifs.

APPLICATION :

C’est le moment de prendre le temps de vérifier comment vous altérez les notes naturelles de votre harmonica ! En toute rigueur vous savez altérer depuis longtemps et ne pensez plus du tout au pourquoi du comment. Tentez de pointer du doigt tous les éléments en jeu qui semblent vous permettre d’altérer les notes sur les trois octaves de votre instrument.

Aspirez-vous plus fort ?

Inclinez-vous l’harmonica ?

Creusez-vous ou gonflez-vous les joues ?

Baissez-vous la mâchoire ?

Bloquez-vous la gorge pour certains sons ?

Utilisez-vous la technique du tongue blocking en altérant ?

Froncez-vous les sourcils ?

Bref que se passe-t-il exactement dans votre bouche, pouvez-vous ressentir clairement le placement de votre langue en fonction de la note recherchée ?

Important : une technique et une seule permet de produire une overnote exactement comme une altération opposée ! Autrement dit, tant que votre altération en 6 ne permet pas d’obtenir un overblow en 6 (sans changer la position de langue lorsque vous inversez le sens de la respiration), votre technique d’altération en 6 est perfectible. Ceci valant pour toutes les notes altérées…

Si vous sentez que vous y êtes presque mais que le son obtenu couine ou semble agressif, le réglage peut enfin rentrer dans la course et sauver la mise, mais dans bien des cas ce n’est que purement technique, le réglage n’apportant que confort (et possibilité de multi overnotes)

CONSEILS :

  • Un overblow s’effectue comme une altération aspirée (et non comme une altération souflée)
  • Un overdraw s’effectue comme une altération soufflée (et non comme une altération aspirée)
  • Ce n’est pas le cheminement de la langue qui est à considérer mais plutôt l’emplacement exacte de la langue au sein de la bouche car à chaque fois que votre placement sera idoine, le son sortira juste et timbré.
  • Tout l’enjeu sera de vous souvenir des ces emplacements. Il existe 4 positions de langues qui permettent à elles seules d’obtenir toutes les notes de votre harmonica (hormis les multi overnotes)

 

 

REGLAGES EVENTUELS :

Rappelons les principes de base :

  • Le réglage des anches concerne autant les altérations que les overnotes
  • Un “bon” réglage permet un confort supplémentaire quelles que soient les notes en jeu. Il n’y a pas de raison d’avoir un réglage “fermé” pour les overnotes et un réglage “ouvert” pour le jeu rythmique et dynamique. Un réglage satisfaisant permet de jouer fort et chromatiquement, encore faut-il jouer avec le bas de la colonne d’air.
  • Même si vous vous sentez déjà à l’aise avec les altérations “classiques”, le réglage de l’angle d’inclinaison des anches facilite les overnotes comme les altérations “standards”.

Que faire ?

Tout est possible mais LA BASE me parait être la technique (gestion du placement de la langue et de la pression à exercée, constance du débit d’air etc.) et l’angle d’inclinaison des anches. Plus l’harmonica possède des problèmes structurels (fuite d’air, sommier non plan, qualité des anches relatives…) plus il vous faudra rajouter des couches de réglages (embossing, arcing etc.). Globalement je n’utilise que ces quatres étapes :

  • Réaligner les anches (permet d’éviter de poser du vernis sur les deux premières octaves).
  • Régler l’angle d’inclinaison des anches par rapport à la plaque. Plus votre technique s’affine moins vous avez besoin de serrer…
  • Poser eventuellement du vernis à ongle ou de la cire d’abeille aux endroits qui permettront d’éviter les bruits parasites (aux deux points d’intersection du rivet et de la base de la lamelle, sans recouvrir l’anche afin de ne pas l’alourdir, ce qui occasionnerait une variation de hauteur).
  • Réaccorder les anches si besoin.

FAQ :

Mes overblows sont trop bas…

La langue n’est pas assez avancée. Il est toujours possible de remonter légèrement le bout de la langue afin de remonter le diapason, y compris sur les altérations “classiques”. Parfois c’est toute la langue qui est trop en arrière. Il n’est pas rare que les altérations aspirées dans les mediums soient elles-mêmes trop basses, d’où des overblows trop bas.

Mes overdraws sont trop hauts…

Cette fois la langue est trop en avant, il sagit de reculer l’ensemble et de bloquer l’arrivée d’air en exerçant moins de pression. Jouer en force détimbre et fausse la note. N’oubliez pas qu’il s’agit de la même position que l’altération soufflée dans les aigus.

Je ne parviens pas à faire l’over en 1 alors que je les ai tous à l’octave medium…

Le blocage de la langue pour les overnotes à l’octave grave (et sur les harmonicas low) se fait avec la partie medium arrière de la langue. Vous devez avoir une sensation quasi gutturale, l’imitation de la respiration de Dark Vador conduit nécessairement à l’obtention d’un over en 1, merci la force !

Mes overnotes crissent…

Réaligner les anches aide à ce qu’une seule anche sur les deux s’active lorsqu’une pression adaptée s’exerce, néanmoins il est plus simple et plus rapide (mais pas plus puissant…) d’aposer par exemple du vernis aux endroits stratégiques. La technique peut compenser pour la première seconde de jeu mais elle ne pourra pas empêcher le crissement pour une tenue de note plus longue.

Je sais jouer toutes les notes mais je ne sais pas quoi en faire…

La plupart des joueurs se posant cette question sont des joueurs qui ont passés des années à jouer sans.

  • Dans un premier temps il s’agit de faire le lien entre les octaves. Un overblow en 6 n’est finalement qu’un 3 altéré une fois à l’octave, un overdraw en 7 n’est que le 1 et 4 altéré à l’octave supérieure… Il sera donc assez simple d’intégrer ces “nouvelles” notes dans le jeu puisque l’harmoniciste joue déjà ces notes ailleurs depuis des lustres
  • Dans un second moment, des photographies de jeu moins usuelles, de nouvelles “positions” s’ouvrent à l’harmoniciste grâce aux sons qu’il n’utilisait jamais jusqu’à présent
  • A terme, le joueur pourra enfin jouer ce qu’il entend, indépendemment des photographies de jeu

Je sais jouer les overnotes mais je n’aime pas leur sonorité…

A priori si le timbre est déplaisant c’est soit que le timbre des altérations standards est également sujet à caution soit que le joueur ne sait pas vraiment jouer ces overnotes… Utilisant trop de pression et une technique perfectible détimbrant les sonorités rendues agressives, l’harmoniciste se retrouve avec le son des over des années 80/90 (les pionniers du genre se satisfaisaient déjà d’obtenir les sons à defaut d’en avoir un…). Il n’y a pas de raison qu’une overnote ne sonne pas comme une altération “classique”, plus vous travaillerez vos altérations “standards” meilleurs seront vos overnotes et vice et versa.

CONCLUSION :

  • Les overnotes sont extrêmement simples à sortir justes et timbrées à partir du moment où vous les obtenez exactement comme vos altérations opposées.
  • Tant qu’il y a un changement, même subtil ou une légère compensation dans votre façon de faire, vous risquez de prendre une habitude qui ne vous permettra pas d’être fluide et homogène selon les tonalités.
  • Essayez d’entendre à l’avance le son qui doit être obtenu, cela peut aider mais dites vous qu’un bon placement de la langue mémorisé peut suffire : il s’agit juste de pression adaptée à gérer, rien de plus.
  • Plus vous envoyez d’air moins il y a de chance pour que cela fonctionne. Le terme overnote suggère d’envoyer plus d’air, il n’en est rien.
  • Un réglage adapté permet un confort non négligeable et le fait de bien ressentir que l’altération opposée demande la même position de langue. Une fois que vous avez trouvé et géolocalisé la position un réglage plus ouvert ne vous empêchera plus de retrouver le bon placement.

Sébastien Charlier

www.sebcharlier.com

 

Note de l’éditeur: Sébastien a donné également une autre interview très intéressante et complémentaire à l’excellent blog Harmonica Tricks: http://harmonicatricks.fr/enseignement-de-lharmonica-nos-questions-a-sebastien-charlier